![]() |
Sur le piste du loup @Thierry Magniez |
![]() |
Loups d’Anatolie pris au piège photographique @Thierry Magniez |
Lors de la séance de pistage de début février, j'ai trouvé en arrivant plusieurs pistes de loup solo à différents endroits et n'allant pas dans la même direction. Puis plus haut sur le massif, je suis tombé sur une petite clairière de crête avec une intense activité de loup : dans la poudreuse, j'ai observé des courses, des roulades, des poursuites. Les traces étaient profondes et toutes fraîches puisque sans flocons dedans malgré les fortes précipitations de neige. Donc, ils sont là autour de moi dans le sous-bois. J'ai essayé de compter le nombre d'individus mais il y avait tellement de pistes dans tous les sens, tournant en rond pour se rejoindre que c'était impossible. Les seules informations que j'ai tirées de ces observations, c'est qu'ils sont nombreux, de différentes tailles de pattes, qu'il n'y a pas les jeunes de cette année, qu'ils ne sont pas simplement de passage. Ils sont en confiance ici au vue du temps qu'ils ont passé à jouer. On n'est pas en limite mais dans leur territoire. J'ai laissé deux pièges photographiques sur place et je suis parti rapidement pour essayer de leur montrer que je ne suis que de passage. La semaine prochaine, Il sera peut être possible de les observer directement en allant passer une nuit dans ce coin.
![]() |
La piste fraîche sans neige dans les empreintes @Thierry Magniez |
Continuant à monter en suivant la crête, rapidement j'ai croisé la piste de 2 adultes à grosses pattes. L’observation de leurs empreintes m'a permis de déduire qu'ils viennent juste de passer (pas de neige dans les empreintes) et qu'ils avancent lentement (empreintes rapprochées, zones de piétinement). J'ai donc décidé de les suivre sans vraiment l'espoir de les rattraper mais histoire de faire connaissance en faisant un bout de route ensemble ou presque. Ça a duré 4h. 4h à avancer rapidement dans la neige entre les branches de la forêt avec les skis dans le dos. La plupart du temps en dévers. Ils ont parcouru tout le versant nord perpendiculairement à la pente. 4h à se prendre pour un loup , à essayer d'observer autour, à suivre les traces, à imaginer où je passerais si j'étais loup, avancer rapidement sans faire trop de bruit. Il fait froid, il ne faut pas trop transpirer, quand on est trempé de sueur, ça ne sèche pas, ça gèle. Malgré une progression que je pensais rapide, rapidement j'ai commencé à observer de la neige sur les empreintes, signe qu'ils avaient pris de l'avance. Effectivement, ils sont passés au trot, leur rythme préféré pour parcourir de grandes distances.
![]() |
Le sous-bois, lieu du suivi @Thierry Magniez |
Au bout de 2h, arrivant en fin de versant nord, ils sont légèrement remontés vers un lieu que je connais bien puisque c'est là que la meute a passé le plus froid de l'hiver dernier. Ralentissant la cadence, le jeu a commencé. La rencontre d'un troisième compère a changé leur attitude. Ils ont commencé à mêler leurs pistes, ils se séparaient pour remonter ou descendre, prenant des directions différentes et allant assez assez loin pour ensuite se rejoindre. Parfois, il y avait trois pistes différentes. J'ai commencé à suivre ces pistes divergentes, une première fois puis une seconde fois. Chaque fois, ils se retrouvaient au même point tous les trois. Ces points se trouvaient sur la trajectoire globale qu'ils empruntent depuis le début. On est sur la même direction depuis des km. La fatigue venant, j'ai décidé de ne plus suivre ces traces divergentes et de suivre la direction principale. Chaque fois, je quittais leurs empreintes et je retombais sur leurs pistes un peu plus loin. Au bout d'un moment, il y avait de moins en moins de neige dans les empreintes. Alors je me suis dit « si je me rapproche c'est qu'ils le veulent bien ».
![]() |
La piste avec un peu de neige dans les empreintes @Thierry Magniez |
On continue en diminuant le rythme, progressant en altitude, l'épaisseur de neige augmente. Je ne veux pas perdre de temps en fixant les skis et de toute façon, le sous-bois et encore trop dense pour passer avec eux aux pieds. Les loups sont juste devant. Les pistes me montrent que régulièrement en passant sous un relief, l'un des loups fait un détour, une boucle vers le haut revenant en arrière pour se positionner sur ce haut point et observer leur arrière. Trois fois, j'ai observé cette démarche. Chaque fois, sur le relief, il y a plein de traces, l'individu piétine il s'assoit, il semble être resté un bon moment, peut être le temps de m'attendre puis il revient dans ses traces pour rattraper les autres. Je suis observé.
Il y a un mois, en suivant un autre loup, nous avons ainsi pu échanger un regard. Il avait utilisé la même technique et il m'a attendu. Quand je l'ai vu, il a filé. Là, je n'ai pas réussi à les voir et j'ai continué à suivre car j'avais un piège photographique dans le coin. J'ai donc suivi les empreintes sans me presser.
![]() |
Ils sont la un peu plus haut sur la crête, la forêt les cache @Thierry Magniez |
Surprise, la piste des trois loups va directement au piège posé la semaine précédente. Ils vont jusqu'à l'arbre où est le piège en bordure de combe ouverte, ils piétinent autour du tronc du côté opposé au piège et repartent dans une nouvelle direction, droit vers la crête. Arrivé sous cette arbre, je ne comprends pas pourquoi, ils sont venus jusque là, marquant une pause et repartant dans une nouvelle direction. Je récupère le piège, j'y reste un bon moment en me disant que de toute façon, ils sont partis loin. Puis rééquipé de tout mon barda, je remonte la piste des loups qui semble aller vers la direction que je dois prendre pour rentrer au plus court.
![]() |
La lisière de forêt où nos chemins se séparent @Thierry Magniez |
![]() |
Paysage blanchi par le froid @Thierry Magniez |
J'ai quitté ces trois loups à la lisière de la forêt puisque je devais aller vers l'est et qu'ils sont partis vers l'ouest. Même si l'on ne voit pas les individus lors de ces bouts de chemin plus ou moins ensemble, on apprend beaucoup sur les animaux que l'on piste et je suis certain qu'ils vont petit à petit s’habituer à mon odeur.