A l'occasion de la journée mondiale de la Terre, une sortie "Nature" a été organisée par Adim Adim Sifir Atik et
Turquie Nature
avec la participation d'Ankara Accueil. Plus de 40 participants ont
profité de la météo printanière pour aller à la découverte des crêtes
des montagnes de Kavaklı entre le village de Sorgun et la ville de
Güdül.

Le
départ s'est fait en bus à 8h30 d'Ankara pour un démarrage de la
randonnée vers 10h30. Plus d'une quarantaine de participants de tout âge
a ainsi pu profiter des bienfaits que nous apporte un moment de Nature :
sentir le soleil sur sa peau et l'entendre faire craquer les pommes de
pin, laisser le vent nous raconter les histoires d'amour des oiseaux en
diffusant leurs chants, tester le goût de mandarine de jeunes aiguilles
du sapin de Turquie, chercher les traces de passage des grands seigneurs
de la montagne d'Ankara (le loup, le lynx et l'ours), sentir le parfum
du printemps que les premières fleurs nous offrent...
Les milieux naturels ont tellement à nous donner qu'il faut les protéger, c'est un peu le message de cette sortie.
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Carte de itinéraire prévu et des arrêts explicatifs, 7.5 km
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Bon, il est l'heure, 10h30, on démarre la rando au
point 1 par quelques explications.
" Pourquoi sommes nous là ? "
Notre
rapport à la nature est important pour se faire plaisir, pour aller
bien, pour satisfaire nos sens mais aussi pour mieux comprendre notre
environnement. On rappelle que l'on connaît 2 millions d'espèces
animales et végétales sur terre et que les biologistes estiment qu'il en
existe 10 millions. On ne connaît donc que 20% de la formidable
biodiversité qui nous entoure. Sur ces 2 millions connues, 1 espèce est
exterminée tous les 20 minutes à la surface de la terre soit 26 000
espèces / an.
Aujourd'hui, nous allons randonner dans un environnement remarquable :
Cette
géologie particulière engendre une géographie originale avec une
barrière de montagnes orientées est/ouest, juste au sud de la mer noire.
Cette topographie impose un climat exceptionnel. Un adret (versant
orienté au sud) continental sec à influence méditerranéenne et un ubac
(versant orienté au nord) océanique tempéré voir même par endroit,
subtropical humide. Ces particularités sont responsables d'une
biodiversité exceptionnelle dans la région.
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Cartes pour nous localiser dans la chaîne pontique
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Ensuite,
on se met en marche pour monter sur la crête de la montagne par le haut
de l'ubac, les enfants courent devant, vont t'ils résister et pouvoir
faire les 7.5 km ?
Arrivée au
point 2 :
Le
début du parcours passe par une zone boisée accessible facilement en
véhicule. c'est un lieu de pique-nique, des familles viennent ici pour
passer un moment dans la nature. Cette zone est assez sale, de nombreux
déchets plastiques, boîtes de conserve, reste de feu, cartouches de
chasse sont laissés sur place. Il est facile de comprendre que la beauté
et le calme du lieu attirent des groupes mais il est difficile de
comprendre pourquoi les personnes laissent leurs déchets rendant le lieu
visuellement désagréable.
Point 3 :
On
arrive à la limite haute de la zone de forêt de l'ubac, zone orientée
au nord, humide et tempérée par les masses d'air qui viennent de la mer
noire (Nuages, précipitations, enneigements important l'hiver). Les
différentes espèces d'arbres sont la sapin, un peu d'épicéa, le pin
noir, le pin sylvestre. C'est une belle forêt remarquable par sa
composition avec de nombreuses espèces d'arbres, de plantes de sous bois
et de nombreux animaux de toute taille. Cet ubac est économiquement
précieux pour l'homme avec une forte quantité d'eau, une croissance
rapide des arbres fournissant un bois de qualité et une riche
biodiversité.
La
présence d'un piège pour collecter les parasites des arbres permet
d'évoquer les problèmes de santé de cette forêt. Le mode d'exploitation
du bois engendre la colonisation du milieu par le pin noir (espèce plus
productive que les autres arbres). Le pin noir prend petit à petit la
place des autres espèces et la forêt devient monospécifique. Quand le
milieu est dominé par une espèce et que celle-ci est attaquée par des
parasites, ces parasites prolifèrent plus facilement dans le milieu et
contaminent plus facilement toute la forêt. La forêt est alors malade,
il y a de nombreux arbres morts qui sont propices à la propagation des
feux de forêt. Le changement climatique mondial, par l'augmentation de
la température dans cette zone est également un élément en faveur des
feux de forêt.
Nous
relevons un piège photographique disposé sur le bord du chemin pour
essayer de pendre en photographie les animaux ayant emprunté ce passage
durant la semaine précédente. Le piège a été disposé ici car sur la
neige de la piste, il y avait des empreintes indiquant les passages de
loups et d'un ours. Là, nous constatons que c'est un cheval sauvage qui
est passé il y a deux jours.
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Cheval sauvage présent sur toute la chaîne de montagne de Köroğlu et étant une ressource alimentaire importante pour le loup
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Point 4, 5 et 6 : On
est arrivé sur la crête, c'est la sortie de la forêt. On change de
climat, on change de végétation, on change de milieu. Ici, c'est de
l'alpage avec pelouses et arbustes, c'est la zone du pastoralisme. Les
bergers y gardent les troupeaux de moutons, de chèvres et de vaches
pendant la période de mai à octobre. Il y a de nombreuses fleurs de
printemps : crocus, corydale, scille à deux feuilles, muscari,
perce-neige... Sur ce versant, l'homme a construit de nombreux
réservoirs afin de collecter l'eau de la fonte des neiges et de la
conserver pour faire boire les troupeaux car entre mai et octobre, il
n'y aura presque pas de précipitation. Une bonne partie de la végétation
possède des adaptations pour résister au vent et à la sécheresse. L'eau
de la fonte des neiges est précieuse, elle est également collectée dans
de nombreuses vallées de montagne de la région grâce à des barrages.
Ces réserves d'eau permettent d'alimenter en eau les villes et les
cultures. Ces rétentions d'eau sont aussi des manques pour
l'approvisionnement des nappes phréatiques du plateau anatolien, qui,
couplées à une surexploitation de ces nappes phréatiques pour développer
l'agriculture, engendrent l'épuisement des ressources en eau des sous
sols de l’Anatolie. Cette année, des phénomènes d'effondrement dus à ces
asséchements des nappes se sont produits dans la région de Konia (
cf cet article).
C'est
aussi sur cette zone ouverte que nous avons observé de nombreux indices
de passage de l'ours et du loup. La présence d'arbres fruitiers
sauvages ( différentes espèces d'aubépines, églantier) mais aussi du
chêne pubescent attirent les grands mammifères qui se cachent dans les
forêts de l'ubac et viennent ici s'alimenter.
Point 7 :
Entrée
en zone arbustive avec beaucoup de chênes pubescents. On explique les
avantages de la technique du pistage pour les naturalistes. C'est un
besoin de comprendre "qui habite ici ?","qui fait quoi ?" dans le milieu
naturel. Nous avons fait quelques découvertes :
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Tortue terrestre qui sort d'hibernation et commence la saison de la reproduction.
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Crottes de loup de cet automne constituées essentiellement de poils d'ours. Indice qui montre que le loup s'est nourri d'un ourson.
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Arbre où l'ours vient de venir se frotter Traces de crocs
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Point 8 :
Arrivée
sur une zone d'alpage adaptée au pastoralisme avec une cabane de berger
et des parcs pour sécuriser le troupeau la nuit contre les attaques des
loups. On a la chance de trouver une tortue en "puzzle", c'est à dire,
les plaques osseuses complétement dispersées en petits morceaux. C'est
probablement l’œuvre d'
un gypaète barbu.
Ce très grand vautour se nourrit essentiellement des os provenant des
charognes de la montagne. En les laissant tomber de plusieurs dizaines
de mètres de hauteur sur des rochers, il les casse et les mange. Au
moyen orient, il a une autre spécificité, il fait de même avec les
tortues terrestres. Il les prend avec ses griffes, monte en altitude et
les laisse tomber sur un rocher pour casser leur carapace et pouvoir les
manger. C'est pourquoi, ici, il est possible de voir des tortues tomber
du ciel.
Point 9 :C'est
dans cette combe que nous avons profité de la beauté des lieux pour
rester un moment, nous restaurer et nous reposer avant de repartir pour
terminer la boucle.
Point 10 :Sur
le chemin du retour nous avons observé de nombreux indices de passage
de loups, de chevaux sauvages et d'ours. Un berger était dans les
travers un peu en dessous du chemin, ses chiens sont venus vérifier si
nous n'étions pas un danger pour le troupeau.
Point 11 :
Voilà,
la rando est terminée, les enfants se sont bien dépensés, nous avons
fait quelques observations naturalistes et réfléchi un peu à l'impact de
nos activités sur le milieu naturel et son évolution. C'est alors les
sens flattés par de bonnes choses que nous sommes rentrés sur Ankara.
Pour découvrir le journal de bord de
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