mardi 30 mai 2023

Pistage de l'ours dans les nuages et sous la pluie

 

Sortie avec les CP du lycée Français d'Ankara.
Ce mardi 30 mai, la météo avait annoncé mauvais temps et il a fait effectivement mauvais temps. Un vrai mauvais temps, pluie fine, grosse pluie, on était même dans les nuages. Parti du Lycée français d'Ankara un peu après 8h, notre chauffeur a contourné Ankara par l'ouest avec le bus. Essuie-glaces à fond sur la route de Beypazarı, le temps n'était pas meilleur quand nous sommes arrivés aux premières montagnes. En bifurquant vers Güdül, la montagne semblait encore plus verte.

Avant 10h, on grimpait sur la montagne des ours mais elle était dans les nuages. En montant jusqu'au col à 1500m d'altitude, on a passé quelques nuages comme du coton qui trainaient sur les flancs et dans les vallons. Quand le bus s'est arrêté tout en haut après une route de pluie, on a pu sortir, la pluie s'était arrêtée.  


On s'est repéré sur la carte et tout de suite en piste : de trace en trace, on a fait l'inventaire des animaux qui étaient passés par le col. C'est facile, ils sont loin d'être discrets. 


Trace du cerf

Traces des chevaux sauvages

Fourmilière éventrée par l'ours

Trou fait par l'ours dans la fourmilière

L'ours retourne aussi les rochers pour manger les œufs des fourmis
On a même retrouvé la barbe du père Noël

La montagne des ours porte bien son nom, il y a des traces un peu partout. Presque tous les rochers sont retournés, les fourmilières ont des trous, des arbres ont servi de grattoir pour le dos de l'ours. On va finir par le croiser, ce n'est pas possible.
Avec toutes ces pluies, la montagnes est bien verte et il y a des champignons de partout. On a comparé leur pied, leur chapeau, leurs lamelles, leurs couleurs, leurs odeurs ...
 
Une petite randonnée sur la piste forestière qui monte vers les alpages à la recherche de traces nous a mené à une grosse pluie. Pour ne pas être entièrement trempés, nous avons installé une toile entre deux arbres. 


Un piège photographique placé depuis quelques semaines sur la piste nous a permis de découvrir en photographie les animaux dont nous avions vu les traces.


C'était le déluge, de l'eau partout, une bonne averse qui a transformé la piste forestière en ruisseau. Nous avons profité d'une courte accalmie pour retourner à l'abri proche du bus où nous avions laissé nos sacs avec le repas. En route la pluie nous a rattrapé. Un peu mouillés, nous avons mangé sous l'abri avant de reprendre le bus pour rentrer.
   

jeudi 18 mai 2023

Sortie en montagne pour pister l'ours avec les CE2, ici à Ankara

Quand on va à l'école à Ankara, la montagne n'est pas loin, il suffit de faire 50 km vers le nord et l'on trouve des massifs de plus de 2000m d’altitude. Le plateau anatolien d'Ankara est déjà à 1000m et ce sont  nos montagnes les plus proches avec la flore et la faune de vraies montagnes. Pas besoin de traverser la planète pour aller voir les loups, les lynx ou les ours, on peut sortir à la journée en partant de l'école au matin avec le bus et en revenant au soir à l'heure de la sortie des cours.

On a pris le casse-croute et deux goûters, un bon petit sac à dos pour porter tout cela pendant des kilomètres et maintenant, en bus pour 1h45. Le bus, c'est un peu long, on contourne Ankara par l'ouest pour ensuite monter au nord dans les premières montagnes. Petit à petit, les immeubles laissent place à des bâtiments plus bas puis plus de construction. La route passe par une vallée et ensuite un col. On découvre alors la chaîne de montagne entre Güdül et Sorgun, elle s’étend de l'est vers l'ouest et elle est coiffée par de la forêt qui, en arrivant comme ça par le sud, lui fait une crête noir . 
 
Voilà, Ankara est derrière nous, le bus circule à la campagne
On traverse un petit village puis ça grimpe ; la route est plus petite, parfois les virages sont très serrés ; on est presque arrivé, c'est la montagne des ours que nous sommes en train de monter. Par ce côté sud, il n'y a pas de forêt, c'est recouvert par des petits arbustes un peu tout tordus. Il est temps d'arriver car cette petite route tordue, elle aussi, finit par donner mal au cœur à certains d'entre nous.
 
 

On y est !
Le bus nous a déposé en haut, au col, là où si on regarde la route à droite, elle descend et à gauche, elle descend aussi. On est donc au plus haut du passage de la route sur cette montagne : 1500 m. Ca fait tout bizarre, presque un peu peur d'être là et de ce dire que nous sommes chez les ours et les loups. Après avoir pris des forces en mangeant notre premier goûter, nous avons commencé à pister les bestioles. 
 

Même sur le bord de route où le bus nous a déposé, il y a des empruntes. Ce n'est pas de l'ours parce qu'il n'y a pas de doigt, c'est tout rond. Un animal sans doigt, ça n'existe pas, on s'est dit. Puis nous avons pensé à la vache, au sanglier au cerfs qui ont des sabots. Mais ils ont tous plusieurs sabots qui marquent le sol. L'un d'entre nous a trouvé, il y en a qui ont qu'un seul sabot, comme le cheval. On a trouvé des traces de grands sabots qui sont surement des traces de chevaux sauvages et d'autres traces identiques, plus petites alors on s'est dit que soit il y a différentes sortes de chevaux, des grands et des petits soit il y a des poulains mais seulement avec les traces, on ne peut pas savoir. 
 
 

 
On a commencé à rentrer dans la forêt, celle de la crête avec ses petits arbres tordus par le vent. Il n'y avait pas beaucoup d'arbres et beaucoup de rochers. Les rochers sont recouverts par une sorte de croute verte, jaune, orange ou grise, ce sont des lichens. Il y en a tellement que l'on ne voit plus la couleur des rochers. Sauf sur certains rochers qui n'ont pas du tout de lichen. Ce sont ces rochers qui nous ont d'abord intéressé. Les lichens, on ne les voyait pas parce qu'ils étaient dessous, ce n'est pas normal : quelqu'un a retourné ces cailloux, quelqu'un de vraiment costaux car il y en avait des très gros. Pour comprendre pourquoi et qui a fait ça, nous avons enquêté. On a regardé ce qu'il y avait d’intéressant sous les rochers en les soulevant nous aussi mais chaque fois, nous les avons remis comme ils étaient car nous avons vite compris qu'il y a plein de vie là dessous. 
 

On a poussé plein de cris au début, ça faisait vraiment peur. il y a des très gros millepattes que l'on appelle des scolopendres, beaucoup de fourmis avec des larves et des œufs, des araignées, des cloportes, des vers, des larves de coléoptères et même des scorpions. C'est donc que la grosse bestiole qui a retourné ces rochers s’intéressait à un de ces trucs. On continue l'enquête..
 
 
Là, un petit arbre à qui on a cassé la tête. Ça fait comme un pic maintenant, c'est peut être fait pour se gratter. On a cherché du poil mais il n'y en avait plus. En tout cas, la bestiole qui habite dans le coin a laissé plein de traces, on est bien chez elle. Puis on a trouvé une trace toute fraîche : Il y avait une fourmilière complétement ouverte. A la place d'une pyramide d'aiguilles de pin, il y avait un trou et toutes les aiguilles éparpillées. Ils n'y en a qu'un pour faire tout çà : c'est l'ours.
Ça veut dire qu'il est là !
Les fourmis en sont encore toutes énervées, l'ours était là il n'y a pas longtemps. On va rester groupé. 

Groupé donc, on est parti sur sa piste. Direction au nord, pour rejoindre la forêt épaisse des versants nord de la montagne : l'ubac ça s'appelle. Ces côtés là de la montagne, c'est ceux où il pleut le plus, les nuages viennent du nord, ils se sont formés au dessus de la Mer Noire. C'est marrant de se dire que c'est l'eau de ma Mer Noire qui fait pousser cette forêt où vivent les ours. En rejoignant la forêt, on a découvert encore beaucoup de choses : le nid d'un oiseau, il faut vraiment faire attention où l'on met les pieds. Il était comme ça directement au sol entre les herbes. 

En entrant dans la forêt, on est tombé sur une orchidée et il y avait des pierres qui faisaient un chemin. Ces pierres sont presque plates tellement elles sont usées. Ces un vieux chemin qui n'est plus utilisé aujourd'hui. les tracteurs passent sur une piste un peu plus bas. Ce chemin amène à une source avec une pierre en creux pour y mettre de l'eau et faire boire les chevaux. C'est peut être une ancienne voie romaine ou autre en tout cas, elle est vraiment ancienne. 
 
      
La source donne beaucoup d'eau. Une réserve d'eau a été construite dans le sol, il faut faire attention de ne pas tomber dedans, c'est un coup à se noyer, on ne peut pas en sortir tout seul. Pendant plus d'un kilomètre, nous avons marché dans la forêt. Il y avait beaucoup de fourmilières, certaines ouvertes par l'ours. L'ours avait aussi déchiqueté des souches d'arbre et du bois pourri, c'est pour trouver et manger des larves d'insectes. On a observé et goûté certains arbres. Quelques arbres sont malades, heureusement ça ne touche qu'une seule espèce, du coup la forêt reste en forme. En pistant notre ours, on a trouvé d'autres traces : des troncs où le cerf est venu se frotter, il y a laissé des poils mais aussi une belle crotte de loup avec des plumes, des poils et des morceaux d'os dedans. 
 

Un piège photographique, qui prend en photo les animaux qui passent devant avait été mis dans la forêt, nous avons donc visionné les images des différents animaux qui sont passés là sur la piste depuis les deux dernières semaines. 


On avait donc bien raison, les premières traces que nous avions trouvées étaient bien des traces de chevaux avec leurs poulains. Il y avait 3 poulains, ils suivent bien sagement leur mère, tu m’étonnes avec les loups qui traînent par ici. 
 

Un autre piège photographique placé à moins d'un kilomètre dans la forêt a pris en photo un ours plusieurs fois, il semble que ce soit lui qui traîne dans le coin.
On piste, on piste et les heures passent. Il est temps de casser la croute. En sortant de la forêt, on entre sur l'alpage, une zone plus ouverte, sans arbres et avec beaucoup d'herbe, des plantes qui seront broutées par les troupeaux de vaches ou de moutons dans quelques semaines. Pour le moment, il n'y a que nous. On a oublié que l'ours était là. On a appris à faire un feu car c'est un truc que l'on ne fait pas n'importe comment. On peut mettre le feu à la montagne et faire disparaître tout ce que nous venons d'observer. Faire un feu, ça s'apprend pour éviter les catastrophes : Le faire dans une zone ouverte, la moins sèche possible. On ne fait pas de feu quand il fait très sec comme en été. On regroupe des cailloux pour cercler le feux. On enlève tout ce qui est sec, feuilles, branches qui se trouvent autour. Avec des petits morceau de bois secs, on le démarre. C'est un tout petit feu que l'on alimente petit à petit pour chauffer l'eau de la sources et se faire une tisane (sauges, thym, un peu de pomme, de cannelle et de sucre). 
 

Avant de partir, il faut éteindre le feu. On met de l'eau dessus, c'est marrant ça fume et ça fait du bruit. On a aussi ramassé tous les papiers. C'est tout propre, comme si nous n'étions pas passé là. On a rempli notre carnet de sortie et fait quelques photographies pour les souvenirs. Il est maintenant temps de retourner au bus, l'ours n'a pas été vu mais on l'a bien pisté et on sait plein de choses sur lui mais aussi sur tous les autres êtres vivants qui habitent ici. C'est un beau milieu naturel à côté de chez nous. On a compris qu'il faut le préserver, respecter chacun des ces habitants pour qu'ils puissent continuer à vivre ensemble. Ils ont besoin les uns des autres. 
 
Au bus maintenant.   
 
Sur le chemin du retour, c'est la grosse surprise : il est passé là il y a peu de temps, la trace est toute fraîche, on l'a peut être croisé sans le voir. La piste semble venir de la grosse fourmilière éventrée. Il est encore là, pas loin dans la forêt.

 
On reviendra sur sa piste, on découvre tellement de choses en le suivant.   

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Thierry Magniez travaille sur la biodiversité de l'Anatolie depuis 2021. Pendant plusieurs jours, chaque semaine, il se rend à moins de...