dimanche 12 septembre 2021

C'est la rentrée

Jeune femelle ours brun observée dans la région d'Ankara                                @Thierry Magniez

Début septembre, c'est la rentrée, la fin des vacances scolaires. Loin et plongé dans des occupations estivales, ça fait deux mois exactement que je n'ai pas mis les pieds sur la montagne des ours, pourtant mes pensées y ont souvent vagabondé. Dès mon retour en Anatolie, je suis reparti mettre mes pas sur les pistes de l'ours. J'avais laissé un piège photographique pour mémoriser les passages du lynx sur le bord de son territoire. C'est donc par le relevé des ces captures que je commence. Au total, 20 déclenchements permettent de connaître le passage de 6 espèces : écureuil, marte, cerf, loup, lynx, ours. Voici quelques un de ces passages.
 
Les chaleurs de cet été ont asséché les points d'eau les plus petits, la surfréquentation menace là où l'eau est encore présente. Difficile de passer inaperçu, Il fait sec, la forêt craque à chaque pas. Pas d'eau, la végétation n'a pas poussé récemment, les pistes d'animaux sont bien marquées. C'est bientôt la saison des amours pour les cerfs, leurs chants provocateurs vont résonner dans l'obscurité de la forêt. De piste en piste, les traces de cerfs et les couches (lieux où ils se reposent) me mènent sur les zones où ils sont. En progressant lentement, j'en fais déguerpir un qui ne m'ayant pas vu reste dans les parages. Accroupi derrière une souche, j'écoute, j'observe, les bruits un peu plus loin m'indiquent sa position, il semble faire un cercle pour revenir là où il était, la forêt est dense sur ce versant il est difficile de l'apercevoir. Entre les branches, je parviens difficilement à faire quelques images. 
 
Cerf  rouge d'Anatolie (Cervus elaphus)                                              @Thierry Magniez
 
D'autres bruits en contrebas dans une combe me laissent penser qu'il n'est pas seul. Vingt minutes plus tard, notre cerf a disparu doucement sans faire de bruit. Par contre dans la combe, ça se rapproche. Régulièrement des craquements de branches, des feuilles qui bougent indiquent la position de la bestiole. L'animal remonte la combe sur le versant où je suis mais un peu plus à l'ouest. Alors, doucement en avançant de pierre en pierre pour éviter de faire craquer les feuilles et les branches du sol, je me déplace pour essayer de me positionner au bon endroit. Le vent remonte aussi la pente, ce qui me laisse des chances de passer inaperçu. Quelques minutes plus tard, je me retrouve à une dizaine de mètres des branches qui bougent. C'est là que je distingue différentes sources de bruit, ils sont plusieurs, ce n'est pas un animal mais un groupe. J'espère être assez proche pour pouvoir distinguer ces vagabonds des bois. En voilà un qui renifle plusieurs fois comme pour sentir une odeur, ce ne peut pas être la mienne. Bien calé dans la végétation, j'observe une première forme qui avance en bousculant les branches, ce n'est pas cette forme trop mêlée à la végétation qui m'indique qui c'est, ce sont les reflets, ces reflets comme argentés. 
 
Reflet argenté caractéristique de l'ours brun                                              @Thierry Magniez
 
Voilà, je ne l'ai pas vu mais je sais déjà qui il est et j'imagine même que l'on peut dire « elle » puisqu'elle est suivie. Pour ne pas me retrouver entre la mère et les petits, je surveille bien la progression des autres vagabonds quelques mètres plus bas que leur mère. Une oreille ronde, presque blonde, dépassant d'un buisson pivote comme un télescope. La mère avance en tête attentive aux environs mais toujours avec un mouvement de l'oreille vers l'arrière pour s'assurer du suivi des troupes. 
 
Oreilles de l'ours brun qui pivotent pour orienter son attention sur une direction particulière          @Thierry Magniez
 
Les oursons sont très petits, ils sont nés cet hiver, il est très difficile de les observer dans la végétation du sous bois, impossible de faire une photographie mais on peut les apercevoir et savoir qu'ils sont deux. C'est probablement la première portée pour cette très jeune mère. Un peu plus loin, elle s’arrête, passe sous un tronc couché, se retourne et je peux la voir. Alors que les oursons gambadent tout autour, elle se redresse derrière le tronc pour profiter de quelques cynorhodons. Avec sa patte, elle attrape délicatement la branche de rosier sauvage pour porter les « fruits » à ses lèvres. 
 
La mère entrain de manger des cynorhodons d'églantier                             @Thierry Magniez

Ces cynorhodons, comme l'indique la présence des akènes (le vrai fruit présent dans les cynorrhodons) dans leurs excréments sont leur alimentation principale en ce moment. Durant encore quelques minutes, la petite famille circule dans le voisinage puis les bruits s'éloignent et les voilà partis.

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