Journée mondiale de la Terre - sortie du 23 avril 2022

 

 
A l'occasion de la journée mondiale de la Terre, une sortie "Nature" a été organisée par Adim Adim Sifir Atik et Turquie Nature avec la participation d'Ankara Accueil. Plus de 40 participants ont profité de la météo printanière pour aller à la découverte des crêtes des montagnes de Kavaklı entre le village de Sorgun et la ville de Güdül.

Le départ s'est fait en bus à 8h30 d'Ankara pour un démarrage de la randonnée vers 10h30. Plus d'une quarantaine de participants de tout âge a ainsi pu profiter des bienfaits que nous apporte un moment de Nature : sentir le soleil sur sa peau et l'entendre faire craquer les pommes de pin, laisser le vent nous raconter les histoires d'amour des oiseaux en diffusant leurs chants, tester le goût de mandarine de jeunes aiguilles du sapin de Turquie, chercher les traces de passage des grands seigneurs de la montagne d'Ankara (le loup, le lynx et l'ours), sentir le parfum du printemps que les premières fleurs nous offrent...
Les milieux naturels ont tellement à nous donner qu'il faut les protéger, c'est un peu le message de cette sortie.
 

Carte de itinéraire prévu et des arrêts explicatifs, 7.5 km

Bon, il est l'heure, 10h30, on démarre la rando au point 1 par quelques explications.
" Pourquoi sommes nous là ?  "
Notre rapport à la nature est important pour se faire plaisir, pour aller bien, pour satisfaire nos sens mais aussi pour mieux comprendre notre environnement. On rappelle que l'on connaît 2 millions d'espèces animales et végétales sur terre et que les biologistes estiment qu'il en existe 10 millions. On ne connaît donc que 20% de la formidable biodiversité qui nous entoure. Sur ces 2 millions connues, 1 espèce est exterminée tous les 20 minutes à la surface de la terre soit 26 000 espèces / an.


Aujourd'hui, nous allons randonner dans un environnement remarquable :
Nous sommes à quelques kilomètres au sud de la faille nord anatolienne (un éléments géologique d'importance internationale et responsable des séismes du nord de la Turquie) dans la chaîne pontique, sur le massif de Köroğlu et plus précisément sur les montagnes de Kavaklı. La chaîne pontique est la chaîne de montagnes qui délimite le nord du plateau anatolien. Elle s'est formée en même temps que la chaîne alpine à partir de la fermeture de l'océan Téthys et Paratéthys entre la plaque Anatolienne et la plaque Eurasiatique
 
 
Maintenant que la chaine pontique est formée, c'est l'activité de la faille Nord anatolienne qui marque la géologie de la région. Cette faille est responsable de nombreux séismes dus aux frottements occasionnés par la poussée de la plaque terrestre arabique sur la plaque terrestre anatolienne
 
 
Cette géologie particulière engendre une géographie originale avec une barrière de montagnes orientées est/ouest, juste au sud de la mer noire. Cette topographie impose un climat exceptionnel. Un adret (versant orienté au sud) continental sec à influence méditerranéenne et un ubac (versant orienté au nord) océanique tempéré voir même par endroit, subtropical humide. Ces particularités sont responsables d'une biodiversité exceptionnelle dans la région.
 
Cartes pour nous localiser dans la chaîne pontique

Ensuite, on se met en marche pour monter sur la crête de la montagne par le haut de l'ubac, les enfants courent devant, vont t'ils résister et pouvoir faire les 7.5 km ?



Arrivée au point 2 :
Le début du parcours passe par une zone boisée accessible facilement en véhicule. c'est un lieu de pique-nique, des familles viennent ici pour passer un moment dans la nature. Cette zone est assez sale, de nombreux déchets plastiques, boîtes de conserve, reste de feu, cartouches de chasse sont laissés sur place. Il est facile de comprendre que la beauté et le calme du lieu attirent des groupes mais il est difficile de comprendre pourquoi les personnes laissent leurs déchets rendant le lieu visuellement désagréable.
 

Point 3 :
On arrive à la limite haute de la zone de forêt de l'ubac, zone orientée au nord, humide et tempérée par les masses d'air qui viennent de la mer noire (Nuages, précipitations, enneigements important l'hiver). Les différentes espèces d'arbres sont la sapin, un peu d'épicéa, le pin noir, le pin sylvestre. C'est une belle forêt remarquable par sa composition avec de nombreuses espèces d'arbres, de plantes de sous bois et de nombreux animaux de toute taille. Cet ubac est économiquement précieux pour l'homme avec une forte quantité d'eau, une croissance rapide des arbres fournissant un bois de qualité et une riche biodiversité. 
 
 
La présence d'un piège pour collecter les parasites des arbres permet d'évoquer les problèmes de santé de cette forêt. Le mode d'exploitation du bois engendre la colonisation du milieu par le pin noir (espèce plus productive que les autres arbres). Le pin noir prend petit à petit la place des autres espèces et la forêt devient monospécifique. Quand le milieu est dominé par une espèce et que celle-ci est attaquée par des parasites, ces parasites prolifèrent plus facilement dans le milieu et contaminent plus facilement toute la forêt. La forêt est alors malade, il y a de nombreux arbres morts qui sont propices à la propagation des feux de forêt. Le changement climatique mondial, par l'augmentation de la température dans cette zone est également un élément en faveur des feux de forêt. 
 
 
Nous relevons un piège photographique disposé sur le bord du chemin pour essayer de pendre en photographie les animaux ayant emprunté ce passage durant la semaine précédente. Le piège a été disposé ici car sur la neige de la piste, il y avait des empreintes indiquant les passages de loups et d'un ours. Là, nous constatons que c'est un cheval sauvage qui est passé il y a deux jours.
 
Cheval sauvage présent sur toute la chaîne de montagne de Köroğlu et étant une ressource alimentaire importante pour le loup

Point 4, 5 et 6 :
On est arrivé sur la crête, c'est la sortie de la forêt. On change de climat, on change de végétation, on change de milieu. Ici, c'est de l'alpage avec pelouses et arbustes, c'est la zone du pastoralisme. Les bergers y gardent les troupeaux de moutons, de chèvres et de vaches pendant la période de mai à octobre. Il y a de nombreuses fleurs de printemps : crocus, corydale, scille à deux feuilles, muscari, perce-neige... Sur ce versant, l'homme a construit de nombreux réservoirs afin de collecter l'eau de la fonte des neiges et de la conserver pour faire boire les troupeaux car entre mai et octobre, il n'y aura presque pas de précipitation. Une bonne partie de la végétation possède des adaptations pour résister au vent et à la sécheresse. L'eau de la fonte des neiges est précieuse, elle est également collectée dans de nombreuses vallées de montagne de la région grâce à des barrages. Ces réserves d'eau permettent d'alimenter en eau les villes et les cultures. Ces rétentions d'eau sont aussi des manques pour l'approvisionnement des nappes phréatiques du plateau anatolien, qui, couplées à une surexploitation de ces nappes phréatiques pour développer l'agriculture, engendrent l'épuisement des ressources en eau des sous sols de l’Anatolie. Cette année, des phénomènes d'effondrement dus à ces asséchements des nappes se sont produits dans la région de Konia (cf cet article).
 
 
C'est aussi sur cette zone ouverte que nous avons observé de nombreux indices de passage de l'ours et du loup. La présence d'arbres fruitiers sauvages ( différentes espèces d'aubépines, églantier) mais aussi du chêne pubescent attirent les grands mammifères qui se cachent dans les forêts de l'ubac et viennent ici s'alimenter. 
 
Point 7 :
Entrée en zone arbustive avec beaucoup de chênes pubescents. On explique les avantages de la technique du pistage pour les naturalistes. C'est un besoin de comprendre "qui habite ici ?","qui fait quoi ?" dans le milieu naturel. Nous avons fait quelques découvertes :
 
Tortue terrestre qui sort d'hibernation et commence la saison de la reproduction.

 
Crottes de loup de cet automne constituées essentiellement de poils d'ours.
Indice qui montre que le loup s'est nourri d'un ourson.
 
Arbre où l'ours vient de venir se frotter
Traces de crocs

Point 8 : 
Arrivée sur une zone d'alpage adaptée au pastoralisme avec une cabane de berger et des parcs pour sécuriser le troupeau la nuit contre les attaques des loups. On a la chance de trouver une tortue en "puzzle", c'est à dire, les plaques osseuses complétement dispersées en petits morceaux. C'est probablement l’œuvre d'un gypaète barbu. Ce très grand vautour se nourrit essentiellement des os provenant des charognes de la montagne. En les laissant tomber de plusieurs dizaines de mètres de hauteur sur des rochers, il les casse et les mange. Au moyen orient, il a une autre spécificité, il fait de même avec les tortues terrestres. Il les prend avec ses griffes, monte en altitude et les laisse tomber sur un rocher pour casser leur carapace et pouvoir les manger. C'est pourquoi, ici, il est possible de voir des tortues tomber du ciel.
 

Point 9 :
C'est dans cette combe que nous avons profité de la beauté des lieux pour rester un moment, nous restaurer et nous reposer avant de repartir pour terminer la boucle.



Point 10 :
Sur le chemin du retour nous avons observé de nombreux indices de passage de loups, de chevaux sauvages et d'ours. Un berger était dans les travers un peu en dessous du chemin, ses chiens sont venus vérifier si nous n'étions pas un danger pour le troupeau.


 
Point 11 :
Voilà, la rando est terminée, les enfants se sont bien dépensés, nous avons fait quelques observations naturalistes et réfléchi un peu à l'impact de nos activités sur le milieu naturel et son évolution. C'est alors les sens flattés par de bonnes choses que nous sommes rentrés sur Ankara.


A la prochaine !


Pour découvrir le journal de bord de Turquie Nature : ici
ou sa page Facebook

2 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour cette randonnée, c'était très instructif! Elodie

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    1. Merci Élodie,
      C'était pour le plaisir du partage ;-)
      Thierry

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